Etre étudiant avec un TDAH en 2025 : un parcours semé d’embuches, des solutions existent !
1/ Le constat : les étudiants avec TDAH demandent rarement des aménagements de leur scolarité
Pendant les 7 ans où j’ai été professeur dans différentes écoles et universités de l’enseignement supérieur, j’ai fait le même constat : les étudiants avec TDAH ne bénéficient pas des aménagements auxquels ils ont droit. En voici les raisons principales :
Les étudiants à 20 ans n’ont pas encore fait de diagnostics et ignorent qu’ils peuvent être aidés par les équipes pédagogiques et enseignants de façon formalisée, structurée et efficace

L’arrivée dans l’enseignement supérieur est un nouveau très gros challenge pour eux et beaucoup, malheureusement, n’obtiendront pas leur diplôme en raison des difficultés qui vont s’aggraver. Selon une étude menée en 2016 auprès des grandes universités de l’enseignement supérieur, seuls 30% atteindront la licence. (Conférence TREMPLIN 4.6.2016, challenge du monde des grandes écoles et des universités | TREMPLIN Handicap – Etudes Entreprises, s.d.)La détection de ces étudiants par les intervenants est essentielle pour que les équipes pédagogiques et les référents handicap puissent les accompagner en synergie avec le corps enseignant.
Les étudiants diagnostiqués avec un TDAH et les équipes pédagogiques ignorent les aménagements dont ils peuvent bénéficier
Bien souvent, même si cela progresse, le seul aménagement proposé à l’étudiant avec un TDAH est de bénéficier d’un tiers temps pas du tout adapté à ses besoins lors des examens : risque de se perdre pour trouver la salle dédié aux tiers temps, isolement alors qu’il a justement besoin de contact pour obtenir des réponses à ses multiples questions pour comprendre les consignes, pour garder sa motivation et faire descendre son stress. Un simple sourire avec un camarade peut tellement nous aider à nous reconcentrer sur notre devoir…
L’aménagement le plus efficace pour un étudiant avec un TDAH est qu’il dispose d’un référent formé, bienveillant et ingénieux dans l’équipe pédagogique qui fera le relai auprès des intervenants et professeurs et qui travaillera en partenariat avec le référent handicap.
Je me souviens d’un étudiant dont les besoins n’étaient pas d’un ordinateur ou d’un assistant pour prendre les cours (quoique…) mais bien d’un adulte attentionné – en fait de plusieurs - qui se penchait avec lui sur son agenda et les multiples changements, qui lui rappelait les dates d’examens et les deadlines pour les devoirs à rendre, qui l’accueillait au moins 3 fois par semaine dans son bureau pour l’écouter et répondre à ses multiples questions et le rassurer sur ses multiples doutes. Nous avions découvert que l’étudiant pouvait être en retard car il se perdait entre 2 bâtiments… A force de le chercher partout, avec son accord, nous avions mis en place un système pour qu’il soit accompagné par un camarade référent. Le référent peut également être un professeur permanent car il sera plus à l’aise pour expliquer les cours et les consignes des devoirs, pour intervenir lors des possibles conflits de groupe avec l’étudiant. En effet ses multiples oublis, difficultés à rendre ses parties dans les temps et sa créativité dans ses productions créent souvent de fortes tensions dans les groupes de travail. L’enseignant prendra le temps de faire la part des choses et les médiations nécessaires. Le référent handicap sera amené à faire l’interface avec les parents inquiets et mettre en place des choses avec eux également. Je me souviens avoir dû négocier avec un papa pour qu’il continue à réveiller son jeune même s’ils ne vivaient plus ensemble…
Ces aménagements peuvent sembler des broutilles évoquées ainsi en vrac mais lorsqu’ils sont coordonnés dans un parcours scolaire construit et réfléchi, adapté à la personne, cela permet à ces étudiants de s’intégrer, de découvrir de nouvelles techniques d’apprentissage aidantes pour lui, de réduire les difficultés relationnelles, de réussir sa scolarité. Et de donner à celles et ceux qui l’accompagnent beaucoup de joie !
Les étudiants connaissent leurs droits mais n’y font plus appel
« j’avais droit à un tiers temps Madame mais il n’a jamais été mis en place ». « Je sais que je ne tiens pas en place. Mon hyperactivité est un vrai handicap. Cela m’a valu d’être viré de mon lycée alors même que j’avais un PAI pour mon TDAH ».
En tant que professeur et référente handicap, j’en ai entendu beaucoup de telles confidences.
Aussi ces étudiants, même si ils ont de nombreuses difficultés, n’iront pas voir la référente handicap et se mettront dans de grandes difficultés. Par exemple, ils cumuleront leur retard et absences jusqu’à la situation de crise : le bulletin de notes non validé, l’exclusion pour trop d’absentéisme.
Ces étudiants ont été déçus par les adultes : ils ont cru qu’ils pourraient être aidés. Non seulement ils ne l’ont pas été mais en plus pour faire les démarches ils ont été forcés d’accepter de dire qu’ils sont vulnérables et ont des difficultés. Malheureusement cela a engendré des situations de moquerie, de rejet, de harcèlement. Aussi quand ils arrivent dans l’enseignement supérieur, leur priorité est de cacher leurs spécificités et leurs besoins.La discrimination dont ils ont fait les frais ne vient pas que de leurs camarades : les enseignants sont aussi très réfractaires à la mise en place d’aménagements. Une étude menée à l’Université de Strasbourg détaille comment se manifeste la résistance des équipes internes et plus spécifiquement des enseignants, impactant l’accessibilité des étudiants aux supports pédagogiques et à la possibilité d’aménagements de leurs examens :
« 53,8% des enseignants refusent de baisser la charge de travail et 40,2% ne sont pas d’accord pour permettre à un étudiant en situation d’handicap qui le demande – alors qu’il y a droit - d’adapter la façon de passer l’examen ».
(Kennel, S., Guillon, S., Caublot, M. & Rohmer, O. (2021, p.89-90,2,23-45).
2/ La solution : l’inclusion lors des cours
J’ai eu l’occasion de présenter et déployer le DPEIR, le dispositif pédagogique inclusif de réussite dans deux établissements de l’enseignement supérieur. Cela fonctionne !
Cela part du constat que les enseignants sont aux premières loges pour identifier les étudiants en difficulté. Formés à la pédagogie, ils maitrisent les savoir-faire pour faire progresser les étudiants. Aussi, en les formant, ils peuvent encore mieux faire ce qu’ils font pour la plupart déjà très bien : prendre en charge les étudiants en difficulté et mettre en place des solutions simples et efficaces pour les aider.
Exemples très concrets :
Charles et le tiers temps inclusif
Charles était toujours au premier rang. Très à l’écoute. Et pourtant lorsque je lui posais des questions, je me rendais compte qu’il n’avait pas nécessairement compris. J’ai commencé, lors des travaux de groupe, de venir échanger avec lui pour lui préciser les consignes et évaluer à l’oral son implication et son travail.
J’ai découvert qu’il écrivait plus lentement. Ainsi que d’autres dans la classe. Mais aucun ne bénéficiait de tiers temps.
Lors d’un examen, j’ai indiqué à toute la classe les consignes et l’heure à laquelle je ramasserai les copies : 15 minutes avant la fin du cours. Et j’ai ajouté que les pressés pourraient sortir jusqu’à 15 minutes avant l’heure s’ils le souhaitaient et que les autres qui avaient oublié le geste d’écrire avec un stylo pourraient rester 15 minutes après l’heure . C’est ainsi que ceux qui auraient eu besoin d’un tiers temps en ont bénéficié.
Adrien et la gestion de ses colères : un apprentissage pour tous !
Adrien était un étudiant charmant mais qui pouvait prendre de grosses colères en quelques secondes. Cela a été l’occasion dans un cours de gestion de projet de faire un aparté sur les talents des uns et des autres. Et de valoriser l’impulsivité maitrisée, source d’entreprenariat, de leadership et trait de personnalité liée au refus de l’injustice et le souhait de relations loyales et de qualité. En quelques minutes je gagnais la confiance d’Adrien et nous avons pu travailler ensemble sa communication relationnelle. Je lui ai transmis quelques techniques de régulation des émotions. Suite à ce cours, les autres étudiants l’ont perçu différemment. Les colères d’Adrien ont été moins fréquentes et plus « acceptables » et il a trouvé des copains devenus depuis des amis.
Nous avions réfléchi aux déclencheurs de ses colères excessives. Il en était ressorti qu’il éprouvait des sensations de gorge nouée, de chaleur et de mains moites juste avant d’exploser. Nous avions convenu qu’il prendrait place près de la porte pour pouvoir sortir à la moindre alerte. L’ensemble de ses professeurs ont accepté ces aménagements. Adrien les a utilisés 2 fois seulement pendant le reste de l’année.
J’ai consacré plusieurs heures à la présentation des avantages d’un management inclusif et la transmission de techniques en communication relationnelle.
Nous avons expérimenté des exercices très concrets de prévention et de gestion des conflits à partir des situations que vivaient les étudiants pendant leur scolarité.Ces cours ont clairement facilité les travaux de groupe dans l’ensemble des disciplines et permis à des étudiants en alternance de mieux s’intégrer dans leur entreprise.
En conclusion
Bien sur dans des cas plus complexes les accompagnements des personnes avec TDAH demandent du matériel et du personnel dédié. Mais dans le cas des étudiants avec TDAH que j’ai rencontrés dans l’enseignement supérieur, ce qui a fait la différence et la réussite de leur scolarité : la disponibilité, l’écoute, la supervision bienveillante et le soutien inconditionnel d’un ou plusieurs référents ingénieux et humanistes, qu’ils soient dans les équipes pédagogiques ou parmi les professeurs.
Ces étudiants avec TDAH sont des pépites avec une vision décalée, une créativité impressionnante, une honnêteté exemplaire. De part leurs spécificités, ils challengent les professeurs et les équipes pour intégrer des méthodes pédagogiques inclusives qui seront utiles à toutes et tous.